Drouot met aux enchères une toile de Picasso cachée depuis 80 ans, estimée 8 M€

Conservé à l’abri des regards pendant plus de quatre-vingts ans, un tableau de Pablo Picasso surgit comme une découverte majeure. Intitulé «Buste de femme au chapeau à fleurs (Dora Maar») , ce portrait vibrant, peint par le maître espagnol le 11 juillet 1943, sera mis aux enchères le 24 octobre 2025 à l’Hôtel Drouot par la maison Lucien Paris. Resté dans la même famille depuis son acquisition en 1944, jamais montré, jamais vendu, ce chef-d’œuvre figure parmi ces rares révélations qui rappellent combien l’histoire de l’art peut encore nous surprendre. Estimé à près de 8 millions d’euros, il pourrait bien enflammer les enchères.

En 1943, Paris vit sous l’Occupation. Picasso, interdit d’exposition et jugé “dégénéré” par l’occupant, peint en secret dans son atelier des Grands-Augustins. Buste de femme au chapeau à fleurs est un cri silencieux, un acte de résistance picturale. Les aplats de couleurs franches, les formes disloquées, les marguerites éclatantes qui ornent le chapeau contrastent avec la gravité du visage. À travers cette composition tendue, le peintre traduit son combat intérieur, sa fureur de créer malgré tout. On perçoit aussi la douleur et l’angoisse dans le regard du modèle, semblant au bord des larmes, qui fait écho aussi bien à la célèbre série des Femmes qui pleurent qu’à une relation finissante.

Buste de femme au chapeau à fleurs (Dora Maar), 1943. Huile sur toile, signée en haut à gauche, datée 11 juillet 43 au dos et annoté au crayon sur le châssis CH 44. Dimensions : 81 x 60 cm
© Succession Picasso 2025

Dora Maar, muse et figure tragique

Photographe avant-gardiste, intellectuelle engagée et compagne de Picasso depuis 1936, Dora Maar fut l’une de ses grandes muses. Mais à cette époque, leur relation devient orageuse. L’artiste, qui vient de rencontrer Françoise Gilot, immortalise Dora dans toute sa fragilité et sa puissance. Le chapeau, orné de fleurs, devient son emblème : une couronne lumineuse posée sur un visage fragmenté, symbole de beauté et de douleur mêlées. Comme l’a écrit John Richardson, biographe de Picasso, “il la peignait alors comme une victime sacrificielle, symbole en larmes de sa propre douleur face aux horreurs de la guerre.” Christian Zervos recense dans son catalogue raisonné 28 portraits de femmes au chapeau, peints cette seule année, témoignant d’une véritable obsession formelle que Picasso ne cesse de décliner. Buste de femme au chapeau à fleurs en est l’une des incarnations les plus intenses : les aplats de couleurs franches associés à la fragmentation radicale des traits forment une composition frontale, animée de tensions internes.

Un trésor pour l’histoire de l’art

Jamais exposée, jamais vendue, cette toile constitue une découverte historique. Elle révèle un Picasso intime, tourmenté mais incandescent, pour qui peindre relevait d’un acte de survie, un élan créatif presque obsessionnel. Estimée à 8 millions d’euros, sa mise en vente à Drouot par Lucien Paris marque un moment rare : celui où le marché de l’art rejoint la mémoire de l’Histoire. Un chef-d’œuvre témoin d’un génie qui, même dans les ténèbres, n’a cessé de célébrer la lumière. Vente aux enchères : Vendredi 24 octobre 2025, Salle 9, à 17h. Expert : Agnès Sevestre-Barbé. Exposition publique : Mercredi 22 octobre | 11h–18h et Jeudi 23 octobre | 11h–20h. Hôtel Drouot 9, rue Drouot à 75009 Paris (www.drouot.com)